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L'erreur fatale du gouvernement d'accompagner les « Kogl-weogo » !

Les problèmes sécuritaires se suivent et se ressemblent au Burkina Faso. Après le légendaire Régiment de sécurité présidentielle (RSP) et les attaques djihadistes, le pays sécrète de ses entrailles un autre mal : le phénomène des comités locaux d’auto-défense appelés « Koglweogo ». De plus en plus, ces comités s’illustrent en justiciers hors-la-loi qu’il faut au plus vite arrêter. La récente tension entre eux et la police nationale à Sapouy dans le Ziro et maintenant la séquestration d'un catéchiste dans la même zone sont la preuve, que les accompagner comme le veut le gouvernement serait une erreur fatale.

 

Un catéchiste du village de Boutiourou (10km de Léo) qui a refusé de payer les frais d’adhésion (2 500FCFA) à l’association d’autodéfense Koglweogo, a été mis aux arrêts le 26 février 2016 et a dû sa liberté, grâce au versement de 112 500 FCFA par la communauté chrétienne, annonce l'Agence d'information du Burkina. Selon les témoignages du curé de Léo, l’Abbé Gaston Koama, qui s’était déplacé le lendemain matin auprès des Koglweogo sans avoir gain de cause, le catéchiste de Boutiourou a été convoqué par le chef de village, qui se trouve être le patron des Koglweogo, pour savoir pourquoi il ne voulait pas payer. Le catéchiste a répondu qu’il a ses raisons. «Lesquelles?», aurait rétorqué le chef. «Je suis catéchiste et connaissant que le mode d’enrôlement des membres de Koglweogo ne cadre pas avec ma foi, j’ai trouvé qu’il y a un empêchement», a-t-il dit.

Car, en l’espèce, le curé croit savoir que les membres des associations d’autodéfense se soumettent à des «pratiques occulteset (que) depuis longtemps, nous disons à nos gens de faire très attention». La police, pour sa part, a observé cette affaire de loin avec beaucoup de circonspection tandis que le chef de canton de Léo a appelé les protagonistes au calme et demandé la restitution de l’argent à la communauté chrétienne.

Le mercredi 17 février 2016, des éléments d’une Association Koglweogo de la même province du Ziro ont battu à mort, Mady Kanazoé, un repris de justice pour vol de bétail. Cette situation a conduit à une descente des Forces de défense et de sécurité (FDS) sur les lieux. Heureusement que le dialogue l’a emporté dans une situation qui a failli virer à l’affrontement entre la police appuyée de deux hélicoptères pour récupérer les autres voleurs et mettre aux arrêts les responsables du Koglweogo. Le cas de Sapouy n’est qu’un énième forfait de ces associations Koglweogo qui ont à leurs compteurs près de 5 morts dans le Ganzourgou et d’innombrables sévices corporelles à travers les villages du pays et plusieurs fois relayées dans la presse ces dernières semaines.

A l’origine, c’est en 2003 que les premières associations de ce type ont vu le jour dans le Yatenga (Ouahigouya). Essentiellement créées au départ pour contrer les voleurs de bétail et les bandits de grands de chemins, elles ont croisé l’assentiment des autorités sécuritaires nationales dans leur politique de police de proximité. Mais entre les objectifs de la police de proximité et les récents agissements des Koglweogo, le fossé est grand et même très grand, les Koglweogo s’illustrant par la barbarie de leurs méthodes et certains actes de traitement dégradant et de violation grave des droits humains. 

C'est une fuite de responsabilité de l'Etat qu'il faut dénoncer avec la dernière énergie. A la compréhension des choses, l’Etat demande à ses citoyens de se protéger eux-mêmes et de le protéger lui aussi. Parce qu’il est quasiment impossible de contredire cette partie des Burkinabè qui pensent que cette justice privée à qui l’Etat veut donner son quitus en la légitimant est une véritable porte ouverte à toutes sortes de dérives qui ont déjà cours dans notre pays.

Dans les années 1990, des comités locaux de défense composés de « dozo » ces chasseurs traditionnels, du genre des Koglweogo avaient été mis en place surtout dans la partie Nord de la République voisine de la Côte d’Ivoire pour, disait-on, assurer la sécurité des populations. La suite, on la connaît avec la rébellion qui a déchiré le pays et endeuillé des dizaines de milliers de familles.

Le pouvoir en place, mieux que quiconque, sait que les Koglweogo, si on y prend garde, peuvent s’avérer comme une gangrène qui à l’image du Régiment de sécurité présidentielle RSP, mettra à rude épreuve le dispositif sécuritaire classique du pays. La preuve, avec la situation de Sapouy, ce sont plus de 1 500 Koglweogo issus des villages environnants qui ont voulu en découdre avec la centaine de Forces de défense et de sécurité (FDS). Il est certes justifié que la population doit collaborer avec le FDS dans la lutte contre l’insécurité, mais il serait suicidaire de penser que les Koglweogo en sont la panacée. La communication et la sensibilisation par lesquelles il faille passer pour « recadrer » les Koglweogo siéent encore plus avec les populations de façon générale et les attaques terroristes ont prouvé que de plus en plus, le Burkinabè est conscient qu’il est et doit être l’artisan de sa propre sécurité.

Ces groupes d’auto-défense qui se considèrent de plus en plus comme des justiciers doivent être urgemment remis à leur place. Car en aucun cas, l’auto-défense et l’auto-justice ne pourraient signifier la même chose. Si y a une volonté d’accompagner les FDS dans leurs missions, pourquoi ne pas conduire les présumés bandits et délinquants à la gendarmerie ou à la police une fois appréhendés. L’absence de la justice revient fréquemment sur les lèvres pour justifier les barbaries des groupes d’auto-défense, mais il est juste et bon de ne pas perdre de vue que la justice à longtemps été aux ordres des politiques qui par un clic de doigt faisait libérer n’importe lequel des bandits de grands chemins.

Porte d’entrée du terrorisme

Au lieu de chercher à légitimer ces milices armées et « wackées », les nouvelles autorités et particulièrement le ministre de la Sécurité doit travailler à la séparation réelle des pouvoirs et à éviter l’interférence du politique dans les dossiers judiciaires. Si les Koglweogo se rendent compte que les suspects qu’ils remettent aux FDS ne reviennent pas quelques jours après pour les narguer, ils se rendront à l’évidence que leur « boulot » consistera désormais à interpeller et conduire chez l’autorité, toute personne suspectée.

L’Etat a la responsabilité exclusive d’assurer la sécurité des populations. Toute initiative citoyenne dans ce sens ne doit pas se substituer aux structures habilitées à cet effet. Le risque est grand dans un contexte d’insécurité sous-régionale et international où les « barbus » ont déjà frappé à notre porte et y sont même entrés pour emprunter l’expression à Zedess.

Reconnaitre la légitimité des Koglweogo revient à autoriser implicitement le port et l’usage des armes qu’ils détiennent. Chaque groupe étant organisé, il est plus maniable et plus facile pour les terroristes et autres djihadistes de les corrompre et de les utiliser contre le pays. Aussi, faut-il rappeler que Boko Haram a exactement commencé de la sorte au Nigéria.

Déjà que l’Etat a des difficultés pour les maîtriser, que fera-t-il en cas d’affrontement entre groupes d’autodéfense ou entre eux et les FDS ou encore en cas de rébellion d’un groupe ? Simon Compaoré qui a toujours convaincu les Ouagalais par sa rigueur de CDR en mettant au pas les commerçants doit éviter cette politique de l’autruche. Le risque est grand et le pays ne pourra pas supporter un second RSP !

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01/03/2016
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