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Mise en accusation par le CNT : La peine de mort ou la perpétuité pour Blaise Compaoré ?

Blaise Compaoré et les ministres de son dernier gouvernement devront répondre devant la justice burkinabè. Ils ont été mis en accusation par le Conseil national de la Transition (CNT) le jeudi 16 juillet 2015, à travers l'adoption d'un projet de loi sur la base de rapports produits par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE), et par le Parquet de Ouagadougou.

Si dans les foulées de la modification de l'article 37 de la Constitution qui a occasionné l'insurrection populaire des 30 et 31 octobre dernier, Blaise Compaoré est accusé de « haute trahison et attentat à la Constitution », de nombreux membres du gouvernement devront comparaître pour « détournement de deniers publics et enrichissement illicite », « faux et usage de faux». A cela s'ajoute une comparution de l'ensemble du dernier gouvernement de Luc Adolphe Tiao, y compris Blaise Compaoré parce qu'alors ministre de la défense, pour « faits de coups et blessures volontaires, complicité de coups et blessures, assassinat et complicité d’assassinat ».

La liste s'allongera au fil des rapports de la fine limeuse, l'Autorité supérieure de contrôle d'Etat (ASCE), et il sied de faire un arrêt sur ce fait majeur, unique en son genre dans un pays où l'impunité et les détournements ont été pratiquement érigés en mode de gouvernance. Logique de règlement de compte ?, Chasse aux sorcières ?, Contournement de la récente décision de la Cour de justice de la CEDEAO ? Fin de l'impunité ? Chacun pourra interpréter cette décision selon sa perception, son appartenance et ses convictions politiques, mais une chose est certaine, elle comporte des risques et des enjeux politiques sans précédent.  Que risque Blaise Compaoré s'il est reconnu coupable ? Ce qui est d'emblée clair, c'est que la justice, ou du moins la Haute cour de justice, cette juridiction créée par Blaise Compaoré lui-même en 1995 qui a compétence de juger les présidents et membres du gouvernement, aura du pain sur la planche.

Un mandat d'arrêt international ?

Ces mises en accusation étaient prévisibles avec la nomination récente des membres de la Haute cour de justice qui n'avait véritablement jamais fonctionné depuis sa création dans les années 90. Pour le jugement de Blaise Compaoré mais aussi celui des autres membres de son gouvernement, plusieurs hypothèses sont envisageables. Soit la justice burkinabè lance un mandat d'arrêt international contre le chef de l'Etat déchu, ou elle demande son extradition à la Côte d'Ivoire pour le mettre à la disposition de la justice burkinabè en vertu des accords qui lient les deux pays. De plus, des magistrats ivoiriens ou burkinabè peuvent entendre Blaise Compaoré depuis la Côte d'Ivoire comme c'est le cas actuellement avec le président guinéen Moussa Daddis Camara en exil au Burkina Faso. Pour le mandat d'arrêt international, le vrai risque est que Blaise puisse s'abriter dans un pays avec lequel le Burkina Faso n'a pas d'accords judiciaires et il pourra y vivre sans s'inquiéter. Que dire encore de cette possibilité (hypothèse improbable) que l'enfant terrible de Ziniaré décide de son propre chef de se mettre à la disposition de la justice de son pays en revenant au pays ? Il faudra cependant attendre des mois pour voir le dénouement final de ces affaires. Mais s'il est reconnu coupable de « haute trahison et attentat à la Constitution », l’ex-président encourt une peine d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à la perpétuité, et même la peine de mort qui toujours en vigueur au Burkina Faso, même si elle n’a pas été appliquée depuis les années 1980.

Pour l'instant rien n'est sûr et les membres de son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) crient à la chasse à la sorcière et à une logique de règlement de compte. Une mise en accusation n'est certes pas une culpabilité, mais que faut-il croire ? Qu'un citoyen puisse diriger, décider, gérer, détourner, s'enrichir subitement sans répondre de ses actes ? Non ! Il faut bien une justice pour mettre fin à cette cité où les uns pillent l'argent du contribuable par affinité, par appartenance politique et les autres meurent de faim, de simple paludisme et n'arrivent même pas à honorer les frais de la moindre ordonnance médicale de sa famille nucléaire. Du même coup, il s'agit d'un avertissement pour les futurs dirigeants que "plus rien ne sera comme avant" et que les fonds publics doivent être gérés de manière transparente.

Dernier virage dangereux de la Transition

Evidemment, ces mises en accusation comportent de grands enjeux politiques et des risques pour la bonne marche de la démocratie burkinabè à plusieurs égards. En effet, même si le président du CNT, Cheriff Sy, a indiqué que ces dossiers « n’ont pas été inventés », mais proviennent du Parquet et à la suite d'une commission d'enquête parlementaire conformément à la loi, tout porte à croire que ces mises en accusation sonnent comme un contournement subtile de la récente décision de la Cour de justice de la CEDEAO invalidant le Code électoral pour "exclusion massive". Conférence de presse, accueil triomphal de la défense des plaignants à l'aéroport, de leur retour du jugement, le CDP et ses alliés ont joué de maladresse criant victoire avant la fin du combat. Et voilà que le CNT raccourcit leur joie pour leur rappeler un "sal passé" et par la même occasion traduire en justice les bonzes du régime Compaoré incluant des potentiels candidats aux élections présidentielles à venir. De ceux-là sont Djibrill Yipéné Bassolé et le colonel Yacouba tous deux anciens ministres issus du dernier gouvernement, mais aussi Gilbert Noël Ouédraogo qui sera bientôt investi candidat de l'ADF/RDA. Qu'à cela ne tienne, la notion de "dirigeants" dont parle la CEDEAO renvoie, à entendre les spécialistes du droit, à ceux qui dirigent notamment les membres de l'exécutif et du législatif, c'est-à-dire les ministres et les députés. Pourtant, Eddie Komboigo, le candidat du CDP a été un député de la dernière législature, donc un dirigeant. A-t-il ouvertement soutenu la modification de l'article 37 ? Seul le Conseil constitutionnel pourra nous situer, lors de la validation des candidatures mais en attendant, tous les rapports de l'ASCE et de la Cour des comptes seront progressivement remis au gout du jour, pour inculper, à entendre le CNT tous ceux qui ont été comptables de la mal gouvernance et de la mauvaise gestion pendant les 27 ans du défunt régime. De nombreux dignitaires non encore mis en accusation ont par, ces temps, le sommeil trouble puisque la Transition ne compte pas s'arrêter en si bon chemin pour ne pas dire que les hostilités de font que commencer. On s'attend donc à ce que la validation ou l'invalidation de certaines candidatures aux prochaines présidentielles, parce que s'agissant de "dirigeants" de l'ancien régime ou concernées par les récentes mises en accusation, soient le dernier virage dangereux de la Transition avec des risques de troubles à l'ordre public.

Dans les prochains jours les dénonciations vont déjà fuser de partout mais pour l'instant, le président Michel Kafando a fait baisser d'un cran la tension entre le Premier Zida et le RSP, qui menaçait sérieusement les trois mois de Transition qui restent. Une sage décision en refusant de démettre Zida de ses fonctions, mais surtout le fait de lui avoir retiré le ministère de la Défense. Comme pour dire, "si désormais l'armée (le RSP) a des problèmes, qu'elle vienne directement me voir". 

Jean-Marie TOE dans entreprise&innovation.com

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22/07/2015
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